LA REFORME

Saivres et la Réforme

 

André François Lievre historien du protestantisme en Poitou, a condensé dans une phrase: " La société moderne et le protestantisme sont du même âge.  On ne peut séparer l’origine de la réforme du développement qu’avait pris l’étude des lettres et de la philosophie qui eut un tel essor au quinzième siècle et qui est connu en histoire sous l’appellation d’HUMANISME.

En effet, la critique des textes, dans cette période qui reçut le nom de RENAISSANCE, se généralisait au point de devenir très exigeant et les textes sacrés n’échappaient pas à la commune investigation.

En réalité, parmi les causes multiples de l’éclosion de la réforme, il faut reconnaître que la plupart ont été plus morales et sociales, plus économiques et politiques que strictement dogmatiques. Une des causes profonde de la réforme fut la décadence morale des membres du clergé à tous les échelons de la hiérarchie. Débauche, ivrognerie, luxure sont courantes. La prévarication est fréquente. Les biens de l’Eglise sont vendus en fraude par les abbés. Un curé en touchant le bénéfice de sa cure pouvait ne pas y résider. Il se faisait remplacer par des prêtres faméliques payés misérablement et très souvent incapables de prêcher et d’enseigner. Exemple : Le curé de Chey ne célébrait plus les offices, un moine de St.Maixent devint chef de bande de pillards, d’autres étaient braconniers. Ce fut le cas de deux prêtres en train de braconner qui furent mortellement blessés par un fermier du château de Ste.Neomaye.

Si tout le clergé n’était pas taré, le mal était très profond. Cependant, la foi et la ferveur, demeurait très grandes dans le peuple et les legs aux églises restaient importants.

C’est dans ce climat extrêmement favorable, qu’au cours de l’été 1534, Calvin arriva en Poitou et consacra toute la durée de son séjour à la prédication.

La Réforme fit de très rapide progrès dans toutes les classes de la société et même dans le clergé catholique. Si au début c’était la clandestinité, certains prêtres n’hésitèrent pas à prêcher en chaire.

Le 5 avril 1543, Jean de St.Gelais, évêque d’Uzès, abbé de St.Maixent prêcha dans son église abbatiale. Parmi ses auditeurs, il eut la surprise de voir Marguerite de Valoi, soeur de François 1,° de passage dans la ville.

Le 22 mai 1544, François 1° écrivait au gouverneur du Poitou :  "  J’ai été averti que des personnages grandement tarés et infestés par les maudites erreurs luthériennes s’en vont semant parmi le peuple leur damnables doctrines ." Il enjoignait en conséquence, de les prendre et punir si rigoureusement que ce soit exemple pour tous les autres...

Pendant plus de dix années, catholiques et huguenots avaient pris l’habitude de coexister dans la paix et l’amitié. Mais tout allait bientôt changer. Par un arrêt du parlement de 1562, il était permis de courir " sus aux huguenots ", et le premier mars de la même année, le massacre de Wassy sonna le glas des huit guerres de religion.

Un mécontentement diffus se manifestait dans les classes moyennes provinciales à l’égard tant du gouvernement qui multipliait les charges en les distribuant à son gré, que de l’Eglise dont les abus devenaient difficilement tolérables.

. " Une étincelle, écrit Funck Brentano, suffit pour faire exploser la poudrière. "

Trèès rapidement la doctrine se répandit dans toute la province. Don Liabeuf, sous le titre: " Comment l’hérésie s’introduisit dans le Poictou et la ville de St.Maixent ", écrit: " ...Mais avant de partir de Poictiers, il choisit trois de ses principaux diciples qu’il envoya en diverses provinces pour y semer son hérésie... et le troisième appelé Jean Vernon, eut charge de dogmatiser dans le Poictou où l’hérésie de Calvin avait pris sa naissance. "

Donc, le Poitou en général et l’élection de St.Maixent en particulier devinrent un des principaux berceaux de la Réforme. Les moyennes et basses classes, de plus en plus appauvries par les prélèvements, tailles, dîmes etc., se tournèrent d’autant plus facilement vers une religion où tout les privilèges, et les abus étaient dénoncés.

La célébration de la Fête Dieu du 1562 fut l’occasion de violents désordres que le Riche a raconté en ces termes:

"  Les hérétiques, tant de la ville que de la campagne voisine, faschés sans doute de l’honneur que les catholiques avaient rendus au Très Saint-Sacrement, en la procession solennelle faite le matin de ce jour, voulant s’en faire raison par un sacrilège abominable, s’attroupèrent l’après dinnée du même jour, entre en furie dans les esglises, tant de l’abbaye que des Pères Cordeliers et des paroisses, y profannèrent le Très Saint-Sacrement, dissipèrent les reliques des Saints, renversèrent les autels, brisèrent les images, pillèrent l’argenterie et ornements d’icelles, et chassèrent les religieux et ecclésiastiques, leur voulant faire quitter leurs habits... les plus turbulents de ces furieux étant sortis de la ville pour aller continuer les mesmes ravages, dans les églises paroissiales de la campagne... "

Comme dans tous conflits religieux, les pires exactions furent commises.

En 1568, l’église de Saivres fut ruinée, par les huguenots. Beaucoup d’autres paroisses subirent le même sort.

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Après la révocation de l’Edit de Nantes, la religion Réformée devint illicite. Alors commença une chasse impitoyable de tous ceux qui avaient embrassé cette religion. Pour l’exercice de leur culte, les protestants durent se réfugier dans la clandestinité. Les pasteurs, pour leur sécurité, changeaient très souvent de nom et de domicile. Les réunions du culte avaient lieu, le plus souvent, de nuit, en pleine campagne, loin de toutes habitations. C’était les `Assemblées du désert`.

.Les Assemblées du Désert

Pour suppléer les pasteurs expulsés en 1685, des protestants se sont dressés pour continuer à faire vivre la religion huguenote. Dans notre région se furent essentiellement des paysans sachant à peine lire et écrire. Se sont les fidèles les plus motivés et les plus instruits qui organisaient les réunions :  les prédicants.  

Octave Hippault raconte ce qu’étaient ces assemblées :

"  A quelques centaines de mètres de Préchapon et à droite du chemin de la Couture à Augé, se trouve l’ancien fief du Marchais ou du Marché qui se composait seulement de pièces de terre et relevaient de la baronnie de St.Maixent à hommage lige à 7 sous 6 deniers de devoir et à 2 sous 6 deniers de service. Parmi les dépendances de ce fief, existait un tènement aujourd’hui appelé "  Champ du Marché " Là, se tinrent au 18° siècle plusieurs de ces réunions protestantes connues dans l’histoire sous le nom " d’Assemblées du désert. "

Dans son article sur l’Eglise du désert, M. Picard, l’érudit historien de Parthenay écrit : "  Les assemblées étaient annoncées secrètement. Le dimanche, alors avant que le jour ne parut, les protestants quittaient leur village pour se rendre au lieu désigné, femmes, enfants et vieillards voulant avoir leur part du danger.

Une chaire portative était adossée à la paroi d’un rocher, des sentinelles étaient placées sur les hauteurs voisines pour surveiller l’arrivée des Dragons. Là étaient célébrés les mariages, les baptêmes au cours de ces assemblées secrètes tenues au milieu des bois ou au bord d’un ruisseau.

A cette époque, se généralisa l’usage du " Méreau ", signe de reconnaissance spéciale de plomb ou d’étain, qui servait à reconnaître les vrais fidèles et à éloigner ceux qui cherchaient à se glisser dans ces assemblées pour servir de délateurs. "

D’après la tradition, les assemblées protestantes qui eurent lieu dans le champ du Marché, étaient considérables et le culte y était célébré sous de grands châtaigniers. C’était surtout les habitants des villages de Lugné, La Couture, Perré, la Voute, Vix, Mautré, Puy-Bellin, Paunay, Sorcq, Verrières et la Cour d’Augé qui y assistaient. Le champ du Marché n’offre plus l’aspect qu’il avait alors. Il est coupé en deux parties par des terrassements faits en 1913 pour l’établissement d’une voie ferrée.

Une de ces assemblées a été évoquée par M. Redien dans son roman intitulé " Les Enfants de la Liberté."" Il nous dit que dans son enfance, il avait vu, chez son grand-père Jacques Pierre Redien ( né en 1815 ), un vieux pliant en bois tout vermoulu, qui avait servi de siège à ses ancêtres Jean Redien-Breuil et Louis Redien-Payrault pour les assemblées du champ du Marché (près de Lugné), de la Brousse et de Chamier. "

D’après le pasteur Rivière, un des plus grands pasteurs du désert: Michel Viala, dit  "  Germain ", fils naturel d’un miquelet catalan né vers 1710 en Hautes Cévennes, après avoir servi en Languedoc, Guyenne, Tarn, est consacré à Zurich le 18 juin 1736. Il arrive en Poitou en 1738 à l’appel d’un inconnu ( André Migault ?) sûrement autorisé par sa province. Il fut stupéfait d’y trouver une telle population protestante. Il passe et prêche aussi en Saintonge et Périgord, guidé par Lapra de Bonac, revient en Poitou en 1740... Il a réorganisé les églises de Saivres et St.Maixent le 30 juin 1740 avec Pierre de Bonac dit Lapra.

Un des plus virulents ennemis des protestants de Saivres, fut sans nul doute, François Boucher, curé de Saivre et archiprêtre de St.Maixent.

Saivres et la chasse aux protestants ( Les Dragonnades 1681-1685 )

Le mot dragon, désignait certains soldats du Roi. Quand le roi envoya ses dragons pour enrayer l’hérésie huguenote, consignes leur furent passées de se conduire en pays conquis ce qui signifie brutalité et pillage. Les casernes n’existant pas, la population devait héberger ces soldats. L’idée, bien sûr, fut de loger ces soldats chez les seuls protestants qui étaient tenus de les recevoir comme des hôtes de marque. Les protestants du faubourg Chalon eurent beaucoup à en souffrir.

C’est le Poitou qui eut le triste privilège d’inaugurer les dragonnades en 1681.

Le rôle des nouveaux convertis dans le diocèse de Poitiers depuis 1681, montre l’importance du nombre des conversions obtenues dans une région à majorité protestante. Dans ce rôle, on peut voir que les curés avec l’aide des dragons n’hésitaient pas à convertir les enfants et les bébés.

A la fin de cet ouvrage, le rôle des nouveaux convertis des premières dragonnades de 1685 - 1686, et ensuite les abjurations relevées sur le registre paroissial de ceux qui avaient résisté à ces premières dragonnades, ainsi que les baptêmes, mariages et décès de 1680 à 1792. Ces registres sont dans un tel état, qu’une bonne partie est inutilisable et l’autre partie est difficile à déchiffrer du fait des dégâts occasionnés par l’humidité et les rats.

Jean Rivière cite : 600 procédures et arrêts antiprotestants en Poitou dans la période de 1678 - 1730.

Pour notre région, l’oeuvre du pasteur Dez est très intéressante. Il effectua un véritable travail de fourmi. Le pasteur Dez a en effet effectué un recensement de centaines de familles protestantes du St.Maixentais dont pour Saivres, en particulier, les Pougnard et les Redien. Il a également fait un relevé des registres paroissiaux de Saivres où l’on retrouve le rôle des nouveaux convertis lors des premières dragonnades, et les abjurations sur le registre paroissial de ceux qui ont résisté à ces dragonnades.

Après les abjurations, Dez essaie de recensé les familles protestantes quand les registres portent la mention NC (nouveaux convertis) ou mariage après abjuration.

La commune de Saivres a ses registres de l’ancien régime aux Archives Départementales: 4 E 1 239. Ces registres remontent à 1685, mais une bonne partie est dans un état qui les rend inutilisables. D’autre part, ils ont été reliés n’importe comment si bien que les publications de mariage de l’An 5 suivent l’année 1736.

On peut retrouver l’oeuvre de Pierre Dez à la Bibliothèque du Protestantisme à Paris. C’est grâce à M.Moreau que nous avons connaissance de ces documents

Voici un relevé fait à partir des manuscrits des mariages de 1589 à 1601 (protestants)

Le 25 juin 1589

Saivres Grelet Pierre et Rageau Anne

Plessis d’Augé Rageau Jacques et Grelet Marie

Le 3 décembre 1589

Pairé de Saivres Moreau Mathurin et Favriou Jacquette

Le 18 février 1590

Pairé de Saivres Fichet Etienne et Fichet Jacquette

Le 14 juillet 1590

Saivres Grelet René et Hercourt Mathurine

Le 7 juin 1592

Saivres Grelet Jehan et Gaultier Nicole

12 décembre 1593

Saivres Girard Pierre et Fichet Perette Azay

Le 20 janvier 1594

Saivres Martin Antoine et Jamonneau Jehanne Augé

15 mars 1600

Saivres Dupuy Louis et Richard Mathurine

Dupuy Bertoulné et Brunet Elizabeth

4 novembre 1600

De l’Hosmone Magdelaine et Uzuret Pierre

Le 3 juillet 1698 :

St.Maixent

- Information sur dénonciation et à la requête du procureur du Roi, contre plusieurs particuliers N.C. (nouveaux convertis) des paroisses de Saivres, Souvigné, Thorigné, Azay et autres qui vivent publiquement avec des femmes aussi N.C., sous prétexte d’être légitimement épousés, ce qui fait voir le mépris qu’ils ont pour les mystères de la R.C.

( Religion catholique) et pour les ordonnances.

Le 4 juillet 1698 St.Maixent (1)

 

Information, sur la même dénonciation, contre des particuliers de la paroisse de Saivres dont l’archiprêtre du lieu n’a point appris qu’ils aient été mariés, et qui cependant demeure scandaleusement ensemble.

Décret de prise de corps le même jour contre Jean Longeau et Suzanne Naudin, de la Voûte, emprisonnés et contraints à réhabilitation de mariage en 1702. Jacques Charron et Jacquette Brangier de Paunay, `mariés au pied d’un buisson, Jeacques Longeau et Elizabeth Monnet, du même village, qui seront tous les quatre emprisonnés et contraints à réhabilitation en 1699, après avoir produit un acte de mariage signé Belargue et avoir pris devant notaire l’engagement de se faire instruire dans la R.C.A.R. (religion Catholique Apostolique et Romaine). Jacob Hercourt et Françoise Chantecaille de Lugné, dont le mariage est réhabilité en septembre, mais la femme ne faisant pas mieux son devoir pour cela, est emprisonnée en mai 1700.

Decret enfin contre le dénommé Caillon , de Mautré de Saivres , qui se mêle de marier les N.C. et de baptiser leurs enfants et pourrait être l’auteur des actes signés Belargue.

Le 20 novembre 1697, nous retrouvons un acte de décès dont voici le libellé:

" Pierre Martin, 26 ans, (Folie d’Augé) ayant été conduit en prison et convaincu d’avoir assisté aux assemblées des huguenots qui se tenait (sic) à Aiript, condamné à mort par Mr. l’Intendant du Présidial de Poitiers, exécuté à St.Maixent le 18 du présent mois de novembre assisté de son confesseur et de son heureuse commission et permission de Mr. le Lieutenant Criminel de St.Maixent, ay enterré son corps dans le cimetière de céans en présence de André et Isaac Moreau etc...

Signé Boucher archiprêtre de St.Maixent "

Le 14 février 1699, pour avoir présidé une assemblée protestante, un habitant de Verrières, Isaac Devallée, fut condamné aux galères perpétuelle. Mais en raison de son abjuration qu 'il fit quelque temps après, on le gracia à la demande de l evêque de Poitiers

En 1699, commence la série de baptêmes d’enfants naturels qu’il y a lieu de considèrer comme protestants quand le père est mentionné.

21-9-1699- Pierre, fils naturel de Elizabeth Patureau, dont le père est Louis Dallerit de Puy Morillon

12-9-1701 - Louis, fils naturel de Jeanne Couturier qui accuse Louis Guyon à qui elle a donné cet enfant.

15-2-1702 - Jean, fils de Jean Lambert et de Jeanne Grelet sa servante point mariés, né de la débauche.

17-2-1703 -Jacques, fils illégal de Jacques Charron et de Jacquette Branger (Paunay).

26-9 Marie, fille naturelle de Jeanne Grelet qui donne cette fille à Jean Lambert son maître.

3 - 8 -1705- Elizabeth, née du concubinage de Jean Lambert et Jeanne Grelet

28-1-1706- Charles, fils de Jacquette Fougère et le père est Pierre Charron de Vix. ( en marge, Charles Charron).

(1) La présence conjuguée à St.Maixent, en juillet 1699, de l’évesque de Poitiers et du Maréchal d’Estrées, le plus virulent protagoniste de la politique des conversions, n’est certainement pas étrangère à ces diverses informations.

Le rôle des nouveaux convertis à la Foi Catholique, Apostolique et Romaine dans le diocèse de Poitiers depuis le mois de février 1681 publié en 1682, contient plus de 38000 noms.

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