"Le parlanjhe de sâvres"
(La langue poitevine et saintongeaise)
Voure ét o que le s'cause (où le parle-t-on ?)
En Vendée,ancien Bas-Poitou, dans les Deux Sèvres, la Vienne, la Charente-Maritime, la Charente, le nord de la Gironde. Les parlers des Mauges (49) du pays de Retz (44) gardent de nombreux traits poitevins.Une grande partie du vocabulaire des parlers d'Acadie au Canada est d'origine poitevine-saintongeaise (émigration du XVIIe siècle).
De voure ét o que devaet çhau parlanjhe ?(d'où vient cette langue)
Comme les autres langues romanes de la Gaule, elle est formée à partir du latin, langues des colonisateurs romains, que déformèrent les pictons et les santons peuple celtiques à l'origine des Poitevins et des Saintongeais. A cela, s'ajouta l'influence des migrants germaniques (les Francs). C'est une langue d'oïl comme le français. La phrase : i o di, çheu (je le dis, cela), comporte le sujet "i" (je) évolution du latin "ego", le pronom neutre "o" du latin "hoc", la forme verbale di (dis), commune avec le français, "çheu"(cela), pronom démonstratif neutre dont le son çh est étranger au français.
En 1204, meurt Aliénor, contesse du Poitou, duchesse d'Aquitaine, et les troupes du roi des Francs, Philippe-Auguste, entrent à Poitiers. Jusqu' à cette date, l'Etat féodal poitevin fut tourné vers le sud, civilisation des troubadours...et la tuile romaine ! Ensuite le Poitou subit l'influence du nord et du français, langue des rois et du pouvoir central.
O s'écrit o, çhau parlanjhe ?(cette langue s'écrit-elle ?)
Elle s'écrit, au moins depuis 1250 (sermons poitevins). Le premier livre imprimé en 1554 avec la "lètre de Tenot à Plaro"(Geste Editions).
Prquàe/prdèque ét o qu'o se dit içhi chapia, et pis lae chapè ? Et o bé le mémme parlanjhe ? (pourquoi dit-on ici chapia et là chapè ? Est-ce bien la même langue ?)
Les textes du XIIIe au XVIIIe siècle portent tous la finale -ea (latin -ellu,français -eau). Chapè, s'explique par la chute du second élement de la diphtongue ea, chapia, par la reduction du premier, de è a i. Mais on dit encore chapèa, coutèa. Les prononciations locales feront donc de chapea : chapéa, chapè, chapia, chapua.
O s'aprent o çhau parlanjhe ? (Peut-on apprendre cette langue)
Il existe des épreuves facultatives pour les concours d'entrée aux IUFM des académies de Poitiers et de Tours. Des enseignements à l'université de Poitiers et à l'IUFM de Niort. Nombreuses initiatives dans les lycées, collèges et écoles.
Conférence donnée à la Roche sur Yon, en 1984, par Pierre Gautier, professeur à l'université de Nantes :
...Rappelons avec les historiens qu'il y a eu un Etat poitevin du IXe au XIIIe siècle, qu'une langue s'y est constituée, developpée, qu'elle a été écrite dès l'origine et a servie aussi bien à rédiger les actes officiels ou privés qu'a composer des oeuvres littéraires de caractère divers, qu'elle a continué à vivre, malgré le triomphe du français au XVIe siècle comme langue officielle et littéraire, et que ce que l'on nomme, péjorativemnt, un patois, loin d'être une forme dégradée de l'idiome national, possède une norme aussi contraignante que celle du bon français. Aussi bien les linguistes n'emploient plus ce terme et lui préfèrent ceux de "parler" ou de "dialecte". En fait, ces parlers locaux, ont plus de points communs que de divergences.
Certes, il existe une famille linguistique baptisée langue d' oïl, mais il n'y a pas plus de parenté entre le poitevin et le français qu'entre le gascon et l'espagnol, comme l'a montré l'abbé Lalanne dans son article "limite nord du gascon". L'état premier d'une langue, est la diversité et que seule une volonté politique peut imposer l'uniformité. Une telle volonté, avait triomphé une première fois en Occident, quand les Romains imposèrent le latin aux peuples de leur empire. Mais après que celui-ci se fut écroulé sous la pression des invasions barbares au Ve siècle, la belle unité linguistique disparut dans les siècles qui ont suivi et au cours desquels s'élaborèrent les differentes langues romanes. La langue poitevine allait apparaître dans les limites du Poitou féodal en même temps que les autres langues de notre pays.
LE POITOU FEODAL
Ce Poitou féodal émergea au IXe siècle des ruines de l'empire carolingien dont il avait été un comté, constitué à partir du diocèse de Poitiers, lui-même héritiers de la cité gallo-romaine des Pictaves et de la tribu gauloise des Pictons.
Le fondateur de la dynastie poitevine, fut Ramnoulf Ier (839 - 866). Simple fonctionnaire de Charles- le Chauve, il fut vainqueur des Normands à la tête du Comté du Poitou. Il transmis son titre à l'un de ses fils Ramnoulf II lequel, profitant de la crise ouverte par la déposition de Charles-le-Gros (888), se proclama Duc des Aquitains.
En 1152, Aliénor d'Aquitaine, fille du dernier Comte-Duc du Poitou, divorçait de Louis VII Roi de France qu'elle avait épousé en 1137 pour se remarier deux ans plus tard avec Henri Plantagenet, Comte d'Anjou, qui devint Roi d'Angleterre. Les luttes qui s'en suivirent et qui trouvèrent, provisoirement leur conclusion dans le rattachement du Poitou à la couronne de France sous la forme d'apanage confié à Alphonse, frère de Louis IX, et qu'on appellera Alphonse de Poitiers. C'est une étape importante dans l'histoire de la langue, puisque le Français devient alors la langue de la chancellerie, sans que pour autant le poitevin soit éliminé de la rédaction des actes locaux. Un grand nombre sont marqués de poitevinisme.
Après la mort de saint Louis, la guerre reprit de plus belle, Poitiers devint un temps la capitale de la France sous Charles VII et la Saintonge devint un champ de bataille en raison de sa proximité avec la Guyenne tenue par les Anglais. Après ces guerres plus les épidémies répétées de peste, il fallut faire appel à des poitevins et des gens d'outre Loire pour repeupler la région. Ainsi s'explique, semble-t-il, l'absence de tout parler intermédiaire entre langue d'oïl et langue d'oc.
Si le XVIe siècle voit le triomphe du français comme langue officielle, consacrée par l'édit de Villers-Cotteret en 1539 par François Ier, le poitevin ne cessa pas d'être écrit et d'être le moyen d'expression d'une littérature qui ne saurait être comparée à la littérature française et qui ne se limite pas au domaine de seuls gens populaires. Des Noëls populaires écrits par des clercs, dont les plus anciens remontent au XVIe siècle, destinés à l'animation liturgique des nuits de Noël sont plaisantés par les auteurs sur ce choix linguistique qui pourrait faire sourire certains:
Ol y at daux bons railloux
Qui s'moquent de nos maux
Se nous sommes Poitevins
O n'en vait de ren pu mau
Et Nau, Nau, Nau
M'arme, les mots sont divins
Et pour rire o l'est plus beau
Nau, Nau, Nau.
Les bourgeois humanistes de Poitiers n'hésitèrent pas aux XVI et XVIIe siècles à choisir le poitevin pour écrire des pièces satiriques, bucoliques ou de circonstance. Extrait du "Menelogue de Robin":
Le quo a predu son precez
Trinlaty de Gric in Francez
E de Francez in bea Latin
E peux d'iquez in Poectevin
Praecherie univrsale daus drets de l'Oume (Déclaration universelle des Droits de l'Homme (en poitevin). Lecture des articles 1, 3, 4 et 5 (Madame Liliane Jagueneau)
Articlle prmàe
Le munde trtous avant naeçhu libres trtouts parélls den la dégnetai é den lés dréts. L'avant de l'aeme é de la cunsience é le devant coméyàe trtouts fratrnaument.
Articlle tràes
Cha prsoune at dré à la vie, à étre libre é a vivàe segurément
Articlle quatre
Pa yin marcherat su sun licol, l'éscllavitude é le coumarce daus éscllaves serant jha poussiblles, de chauque manère qu'o séjhe.
Articlle cenc
Pa in serat torturisai ni marturi de manères inoumènes é çhi gatant.
Quelques particularités
Ceux qui parlent le "patois" , ne prononcent pas le son "j", mais un son qui correspond au "h" prononcé avec expiration , ex: le "hardin" (jardin), les" hambes" (les jambes).
Le "ch" se prononce comme s'il était suivi d'un "i". Le verbe "çheure", se prononce "chieure" (cuire) pour le différencier de "cheure"(tomber) qui lui, s'écrit sans cédille. Ex:" L'é cheut dans la çhusine" (il est tombé dans la cuisine). Les diphtongues OM ou ON se prononcent "UN" ex :" Un batun, une tumbe". La terminaison en "ée"des noms devient "AÏE" ex : Une annaïe, (année), une pougnaïe (poignée) . Le participe passé "é" devient"AÏE" au féminin ex : vesé, (fatigué), vesaïe,(fatiguée).
Quelques mots et expressions
Le temps - dates
Quand (adverbe) coure - jour : jhou - aujourd'hui : aneut - sitôt : sitoû - hier au soir : hier au sâ - pendant la soirée : de s'raïe - autrefois : dautefés ou dâtefés - souvent : souent - il n'a pas fini tout de suite : l' a pas destout fini - dernier : derâ - dimanche : dimouinche - des années durant : daus annaïes de rang - tu mangeras une crêpe tout à l'heure, attends les autres ! : tu meingheras une crâpe tout comptant, atteins les âtres !
Le lieu, l'espace, les situations
Lieu : endret - là-bas : ilé - derrière : dâre - de ce côté-ci ou de là: de d'cé ou de d' lé - à l'envers : dâre-devant - là-haut : léssu - chez nous, au pays : çhaulun - en direction de... : à tirâ su... - il va tomber par terre : le va cheure a bas.
Quantité, mesures, dimensions
Compter : cuntâ - un peu : un pouâ - guère : ghère (prononcer : yère) - plus : mouè - j'en mange plus que toi : i'en meinghe mouè qu' tâ - beaucoup de travail : tout pllein d'ouvrajhe - grande quantité : tribalaïe, rabalaïe, tirolaïe, tapaïe, bardaïe.- hauteur : jhautou - longueur : lunjhou - profondeur : bâssou - pauvre : poure - il s'en faut de peu : un p'tit de mè - si peu que le temps s'améliore, on étendra le linge : su p'tit qu'o s'aminoche, i'éparons la bujhaïe.
Qualité, manière
Comme :queme - beau : bèa - mieux : meu - pour ou par: peure - moins grave : pas si pis - tu es moins porté que lui sur la bouteille : t'é pas si pis qu'li peure bouère - droit : dré - de travers : de jhingois - c'est facile : o l'é b'nésé - neuf : nu - tout doucement : tout châ p'tit - pour dire qu'une chose est incontournable : tourne z-ou, vire z-ou, o chanjhera rein - a moins que : ou bé dun - penser : sunjhâ
Quelques expressions
On dit que... : a çhi s'paré que... - probable : râle - fera t-il encore très chaud demain ? f'ra t'o core grand châ demouein ? - j'ai balayé ce matin, ça ne se voit déjà plus : i'é jhensé la pllace à matin, o' s'queneut déjha pus - ce n'est pas croyable : ol'é pas avis - est-il marié? Oui il l'est : vouail, l'o z'é - oui elle l'est : vouelle al' o z' é - non je ne le suis pas : inun, i'o sé pas - de quelqu'un de petite taille : l'é pas pus jhât qu'un chat assis ou l'é pas pus jhât que tois palissuns la goule en bas - retourner sur ses pas : virâ chu su poueinte
Le corps
Le squelette : le charquoi - les os : les roujhets ou les ous - le dos : l'échine - les articulations : enjhointures ou pllèyures - faire la tête : fére la goule - les yeux : les ails - les cheveux : les piâs - une raie : une grève - c'est une forte tête : ol'é une sacrée camaille ou queu mailloche - les sourcils : les usses - nez : nâ - lèvre : balot - sein : tétet - nombril : ambourail - gros ventre : bedasse - bourrelet : rolet
Santé
Etre bien : étre benaise - souffler : buffâ - cri d'effort : quenaïe - tousser : crachâ - mal : mâ - faire souffrir : gâtâ - les pieds me font mal : lés pés me gâtont - enroué : roueinche - fatigué : vésé - voûté : acabassé - détraqué : dévesouné - retourner : déterviré - béquille : abourde - avoir le bras en écharpe : avâ le bras en jhincole - souple : sourjhe - bégayer : bégassâ - renvoi : rebec - la tête lourde : la tâte ébousinaïe - avoir l'onglée : avâ lés moueins greppes - contusionné : maché - aller à pieds : alâ de sés pés - connaître des déboires : queneutre daus abeurdocs
Les vêtements
Vêtements : jhardes - se vêtir : se pouillâ - se deshabiller : se défére ou défouére - déchirer : éralâ - défraîchi : savaté - salir : échouti ou éberdouérâ - mouchoir : mouch-nâ - tas de linge : pilun - soulier : soulâ - guêtre : basane - tricot de corps : jhilet d' pèa - braguette : beriète - tablier de travail : devantâ - tablier relevé pour faire une poche : une dorne - mal habillé : mal abené, mal rioté, attifé comme l'as de pique - user en frottant : ripâ - se sentir à l'aise : s'ézi
Tout ceci, n'est qu'un aperçu de notre vocabulaire régional avec quelques mots et expressions. Pour plus de renseignements, il est possible de se connecter aux sites internet à l'adresse ci-dessous, mais le dictionnaire le plus complet est le livre d'Edgar Chaigne "Le PARLANJHE" cité en référence.
-=-=-=-=-=-=-=-=
Réferences: http://www.languesdefrance.com/
http://pivetea.free.fr/langue_poitevine.htm
http://www.lexilogos.com/français
"LE PARLANJHE" patois pittoresque de l'Ouest (Edgar Chaigne) éditions Aubéron
Carte représentant le Poitou en l'an 1000
--------------------------------------------MESURES
ANCIENNES EMPLOYEES A SAIVRES
ET DANS LE SAINT
MAIXENTAIS
Mesures
anciennes mesures mètriques
LE PIED = 12 pouces
0,3248 «
LE POUCE=
12 lignes 0,277 «
LA LIGNE =
12 points 0,0222 «
LA GAULEE= 12
pieds 3,901 «
LA BRASSE =
5 pieds 1,624
«
L’AUNE = 1,188
«
DEMI AUNE = 0,595 «
DOUR = 0,08
«
LA COUDEE =
6 palmes ou 24 doigts
LA PALME =
7 centimètres
LE DOIGT =
15 millimètres
L’HEURE
4
kms
BOISSELEE DE TERRE LABOURABLE 15,195 ares
GAULEE CARRE = 12 pieds carrés 0,150 ares
JOURNAL ou QUARTIER DE PRE 34,189 ares (Niort)
BOISSEAU DU MARDI (St.Maixent) 2,737 décalitres
LA CHARGE
8 boisseaux
LA VELTE 7,450
litres
LE TONNEAU
4 barriques de 28 veltes
LE TIERCON 2 barriques de 27 veltes
LE BUSSARD
1 barrique de 28 veltes
LE POINCON
192 pintes
LA BARRIQUE 28
veltes
LE MUID
2 barriques
LE POT ou QUART Double de la pinte
LA CHOPINE Moitié
de la pinte
DEMI SETIER Moitié
de la chopine
VERRE Décilitre
(bois de chauffage à Niort) 2,878 stères
(bois de charbon) 2,742 stères
LA TOISE : carrée 3,798 mètres ²
Cube
7,404 mètres cube
Courante 2,031
mètres
LE PIED : carré
0,105 mètre²
Cube 0,034
mètre cube
LE POUCE :carré 0,0007 mètre²
Cube 0,0000198
mètre cube
LA SOLIVE
3 pieds cube 0,102830 mètre²
LE MILLIER
489 kgs
LE QUINTAL
48 Kgs
LA LIVRE
500 grammes
LE MARC 250
grs
L’ONCE
31 grs
LE GROS
3,90 grs
LE DENIER
1,30 grs
LE CARAT
0,217 gr
LE GRAIN 5,4 centigrammes
LE QUARTERON
4 onces
L’OBOLE
0,72 gramme
CAROLUS LIVRE
TOURNOIS
DOUZAIN MAILLES
DENIER
MANSOIS
ECU
OBOLE
ECU D’OR
PISTOLLE
ECU SOL
REAL
ECU AU SOLEIL SIXAIN
ESTERLING TESTONS
LIARD ou HARDI
BOTTE POIGNEE
BOUCAUT PORTEE
DE FUSIL
BOUTEILLE QUEUE
BÜCHES
SEMENCEAU
CHARRETEE STEREE
CHARRUEE
MINEE
ECUELLEE PREVENDEREE
ENSEIGNE QUARTELEE
HEURE
SAC
HOMME
SACHE
HOMMEE
SOMME
HOMME DE VIGNE SOULINE
JOURNAL D’HOMME FAUCHEUR TACRA CORIORUM
JOURNEE DU SAMEDI D’HOMME FAUCHEUR TEULEE
LIVREE TOPETTE ou TAUPETTE
MENURE
VERRE
MEULE
VINCENT
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