L’Election de Saint Maixent

 

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L’histoire de Saivres est étroitement liée à celle de St.Maixent qui était, sous l’ancien régime, le siège d’une  "Election." Et pour mieux comprendre l’historique de notre commune, voici quelques extraits de la présentation de l’Election de St.Maixent, en 1698, par l’Intendant Samuel-Charles Lévesque.

"  L’élection de St.Maixent est située presque au milieu de la province du Poitou en l’évêché de Poitiers, de contenance de six lieues depuis l’orient jusqu’à l’occident, et de neuf du midy au septentrion, et touche l’orient et partie du midy et septentrion aux paroisses de l’élection de Poitiers, et les autres parties du midy et septentrion et tout l’occident aux paroisses de l’élection de Nyort.

Le païs du côté du midy et de l’occident est assez uny, quoiqu’il y ait quelques chemins impraticables pendant l’hyver et plusieurs bourbiers. Il y a quelques collines du côté du septentrion qui ne le rendent pas moins agréable. L’air y est tempéré et beau, au quarante sixième et demy degré du soleil, et le climat de la terre assez abondant en toutes sortes de bleds, froments seigle, baillarges, métures et avoines. Les froments et baillarges, sont les fruits principaux. Il y a aussi quantité de noyers qui sont d’un secours considérable et quelques autres fruits naturels, comme: pommes, poires, cerises, prunes et châtaignes.

Il y coule deux rivières, l’une appelée la Sèvre, et l’autre la Boutonne. La Sèvre peut passer pour un fleuve,portant son nom jusqu’à la mer,où elle se dégorge au dessous de Marans, bourg considérable en le bas Poitou...

Outre les deux prairies de ces deux rivières, il y a plusieurs ruisseaux et fontaines utiles pour les pâturages et la nourriture des bestiaux; si ce n’est du côté du midy à l’occident où il y en a très peu. On compte quarante six ponts tant de bois que de pierres, tant sur les grands chemins que pour l’utilité de quelques paroisses.

Les vins sont en petites quantités et médiocres, il ne s’en recueille qu’en six paroisses, qu’on ne débite presque point dans les cabarets. Les habitans du côté du midy et de l’occident en font leur provision en Saintonge et pays d’Aunis, et ceux du côté d’orient et septentrion en mirebalais, surtout les hoteliers et cabaretiers.

Il n’y a point de forests ny bois du Roy, et peu de hautes futaies qui sont à des particuliers. Il y a quelques bois taillis qui se consomment dans l’élection. Les paroisses du côté du midy, sont obligées d’en aller acheter dans la forest de Chizé, domaine du Roy, élection de Nyort.

Le naturel des hommes est pesant, peu laborieux, sans ambition ni dessein de s’élever en honneurs et richesses, débauchez et aymant les cabarets, et comme le pays est assez bon, ils trouvent toujours de quoi subsister. D’ailleurs gens affables aux étrangers, parlans mal et peu civilisez, aussy ne voit on point de familles distinguées qui en soient sorties...

La majeure partie des paroisses ont été infectées de l’hérésie de Calvin, et presque tous les nouveaux convertis en retiennent la doctrine. On en compte dix sept mille cinq cens quatre vingt treize, dont il y en a que trois mille quatre cens unze qui font leur devoir. Il est à espèrer que le temps et l’instruction qu’on fait aux jeunes gens abolira cette secte, surtout quand ils n’auront plus l’espérance de la liberté de conscience dont ils se flatent avec l’exercice de leur prétendue religion, par la suite de la guerre. Deux cens quatre vingt six huguenots sont sortis du royaume depuis 1681.

Il y a deux petites villes, l’une appelée St.Maixent, qui est le siège principal de l’élection, en laquelle il y a un siège royal, une maréchaussée, un hotel et communauté de ville, l’autre appelée Melle, en laquelle il y a seulement une prévôté royale et un maire de nouvelle création.

Il y a d’ailleurs en l’étendue de ladite élection, deux baronnies, l’une d’église et l’autre séculière, neuf châtelenies et plusieurs autres justices et fiefs, quatre cens soixante hameaux et villages, dix mille quatre cens quinze hommes, quarante six mille cinq cens vingt quatre âmes, et neuf mille huit cens quarante et un feux, dont il y a diminution depuis vingt ans de mille quatre cens dix neuf. La raison de cette diminution procède tant de l’abandon des huguenots que de plusieurs particuliers qu’on a mis aux mendiants sur les rolles des tailles depuis dix ou douze ans, et qui n’y était cotisez qu’a un denier. Il y a aussi vingt six prieurez simples, dix sept prieurez cures, quarante huit simples cures et cinquante deux chapelles.

On compte quatre couvents d’hommes, deux de filles, trois archiprieurez, soixante six paroisses dont on fait seulement soixante rolles pour les tailles et un receveur des tailles dont le total pour l’année 1697 est de cens trois mille deux soixante dix livres. Il y a trois établissement d’étapes, sept quartiers d’hyver, sept endroits où on paye péage, un bureau des traites, et un bureau des aydes dont les droits sont réglés à cens sols de subvention, les trois muids de Paris faisant les quatre barriques du païs qui doivent contenir vingt sept veltes chacune. Outre lesquels droits, depuis la guerre, on a établi ceux des courtiers jaugeurs qui les augmentent de vingt à trente sols par barriques suivant leur contenance...

On pourroit commercer sur les bleds avec les habitans de Saintonge, province contigüe au Poitou, où il se recueille peu de bled. On voit souvent de petits marchans de ces cantons qui en viennent acheter aux minages et qu’ils voiturent sur des ânes, n’y ayant aucune rivière de communication.

On pourroit en remplir quelques magasins, si l’on commerçoit avec les hollandois et anglois; plus on pourroit établir les magasins proches de la ville de Nyort, pour le blé en de petits vaisseaux et conduire sur l’eau à Marans, la Rochelle et Rochefort et iles circonvoisines, plus le profit en seroit considérable.

On trafique aussy sur les bestiaux, sçavoir: boeufs et moutons qu’on mène à Paris, et sur la vente des mules et mulets que des marchands auvergnats, lionnois, piémontois et savoyards viennent acheter. Le débit en est plus considérable pendant la guerre qu’en temps de paix.

Il y a aussy de jeunes chevaux que des marchands de la Beauce et Berry enlèvent pour leur labourage et se trouvent à plusieurs petites foires champêtres, principalement à celles qui arrivent en l’hiver et printemps. M. le Maréchal de la Meilleraye faisoit espérer que s’il eut rendu navigable la rivière qui passe à St.Maixent jusqu’à Nyort, il auroit fait transfèrer deux foires royales audit St.Maixent, sçavoir: celle de la Ste Agathe qu’on tient à Nyort dans le mois de février et celle du 1° août à Fontenay, ce qui auroit pu valoir beaucoup à St.Maixent..."

Ce formidable travail fournit par les intendants, aurait très bien pu nous échapper. C’est une chance qu’il est pu parvenir jusqu’à nous. En effet, le fond de l’intendance du Poitou, qui fait partie des archives de la Vienne, n’est qu’un faible débris de ce qu’il était autrefois. Dans une émotion populaire des mauvais jours de la Révolution, la plus grande partie des papiers a été anéantie, et sur certains points, nous n’avons que très peu de renseignements touchant les intendants. C’est à Colbert, ministre de Louis XIV, qu’il fut donné d’avoir l’idée d’une semblable entreprise; il sentit que pour bien gouverner, il fallait avoir connaissance des richesses et des ressources du royaume. Ce fut Charles Colbert de Croissy, frère du ministre, qui vint en Poitou en 1663, en qualité de commissaire départi.

Il ne reste particulièrement rien de l’œuvre demandée à Ch. Colbert et à Maupéou d’Ableiges, et l’on aurait aucune idée de la façon dont elle a été exécutée dans ses détails, si par l’effet du hasard, le Mémoire statistique sur l’élection de St.Maixent n’avait échappé à la destruction qui semble avoir atteint tout le reste.

Cette pièce a été conservée avec une série de documents dont nous parlerons ci-après dans les papiers de la famille Garran de Balzan dont quatre membres ont occupé sans interruption de 1727 à la Révolution la charge de receveur des tailles en l’élection de St.Maixent...

A la suite de son mémoire, voici des extraits de la lettre que M.Garran adressa à M. l’Intendant au sujet de ce travail:

Monseigneur, j’ai l’honneur de vous présenter les détails que j’ay pu ramasser sur la ville de St.Maixant, et j’espère que vous y trouverés une bonne partie de ceux que vous m’avés chargé de recouvrer, aussy bien qu’un échantillon de mon zèle pour remplir vos ordres...

Il estoit assés indifférent aussy, Monseigneur, que je parlasse des divers passages du roy de Navarre, mais j’ay pensé que cela seroit propre à prouver l’introduction de l’hérésie en cette ville, outre que l’accollade donnée à deux de nos magistrats par ce prince, depuis nostre roy, m’a parut trop honorable pour l’obmettre, et dans ce goust le festin solennel donné par la reyne mère à nos habitants ne m’a pas permis de me dispenser de faire mention de son arrivée et de son séjour icy, ce qui peut encore estre utile à donner une idée des façons d’agir des princes en ce temps là.

( Ces détails étaient empruntés au journal de Michel le Riche qu’A.Garran avait eu à sa disposition.)

J’ay profité de l’occasion pour prouver le droit que nous avons de faire retrancher trente deux boisseaux de bled de l’aumosne qui va à Nyort, et mesme la justice qu’il auroit que cette aumosne nous restat en entier, suyvant les offres que nous faisons.

Je tasche encore de trouver un autre endroit que nous avons aussy de nommer à une chapelle que M. l’Evesque de Poitiers nous refuse, comptant que vostre puissante protection nous appuyera, si vous trouvés les raisons que j’allègue solides.

Enfin j’ay laissé des blancs que M.Pavin( lieutenant général au siège royal et subdélégué de l’intendant) par vostre ordre particulier poura faire remplir en luy envoyant un estat; si j’avois esté les demander moy mesme, j’aurois perdu un temps infiny; m’auroit fait cent questions et j’aurois peut-estre eu le désagrèment d’estre refusé; c’est si peu de chose que peut-estre aussy ne vous en soucierez point.

Je voy que vos ordres dans cette occasion sont très utiles à cette ville qui se connoitroit, si j’étois un bon peintre, mieux qu’elle n’a fait depuis un très long temps.

Voilà Monseigneur, le compte que j’ay cru devoir vous rendre de cet ouvrage; je ne scay si vous trouverés que j’y ay employé trop de temps, je n’en ay pas du tout perdu, et je le regarderay comme très bien employé s’il peut vous prouver le zèle et le profond respect avec lequel je suis, etc...

Alfred Richard archiviste 3 novembre 1874.

Tels sont les documents qui ont pu être recueillis, et qui pendant près d’un siècle, fournissent des données aussi précises que les moyens d’information du temps pouvaient les fournir sur la situation d’une contrée, qui forme aujourd’hui une portion du département des Deux Sèvres.

Pour compléter ces informations, il faut consulter les rôles des tailles des paroisses de l’élection de St.Maixent de 1641 à 1789 aux archives des Deux Sèvres série C, article 13 à 55 et qui ont presque seuls échappé au terrible incendie du 19 décembre 1805.

 

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