Histoire du presbytère

 

 

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Depuis la fin du 19° siècle et jusqu’en 1927, on aurait pu comparer Saivres au village de Clochemerle par les relations qui existaient entre la municipalité et le curé de la commune. Les habitants sont catholiques, protestants souvent pratiquants, et libres-penseurs plutôt républicain. Cette divergence d’opinion, ne va pas sans quelques heurts. Les uns et les autres, n’ont pas encore oublié les périodes d’intolérance qui existaient avant la Révolution.

Les dirigeants de la commune sont en majorité républicains et s’ils ont un devoir de tolérance et traiter les habitants sur un pied d’égalité, peut être existe t’il, parfois un peu d’esprit revanchard envers le clergé. Quant au clergé, il se remet difficilement de l’abolition de ses privilèges et supporte mal la suprématie républicaine. Les relations entre les deux parties sont souvent explosives.
La construction en neuf du presbytère (actuelle mairie) date de 1860 pour une somme d’environ 9300 francs.
Le 18 septembre 1881, le maire présente au Conseil Municipal les plans des presbytères dont une partie est teintée pour en demander la distraction dans le but d’y installer la mairie. Une protestation est signée par quelques membres du Conseil de Fabrique en dehors de toute délibération régulière. " Les signatures ayant été recueillies à domicile par monsieur le curé ".
Une pétition tendant au même but à été depuis tout récemment colportée dans la commune Le maire estime "  qu’il n’a à ne faire compte, ni de la protestation, ni de la pétition, les signataires n’ayant put être renseignés qu’incomplètement sur l’intention du Conseil qui n’a été inspiré d’aucun esprit d’hostilité contre le curé. "
Une correspondance datée du 31 mai 1881 adressée à Mr. Pierre Redien maire par Mr. Garran de Balzan, prouve la difficulté des négociations. Voici la copie:
Mon cher Monsieur Redien
Je vous prie d'adresser aujourd'hui même à Mr. le Prefet(en la faisant porter à la poste de St.Maixent par votre garde) la lettre dont vous trouverez ci-joint le projet en l'accompagnant de copie de la lettre que vous ferez porter au curé et de faire porter aussi aujourd'hui au curé la lettre dont vous trouverez aussi inclus le projet en l'accompagnant de copies certifiées par vous 1°- de la délibération du conseil 2°- la lettre que vous avez reçue de la préfecture.
N'ayez aucune émotion de ces petits incidents, ils ne valent que comme tracasseries. Recevez mon Cher monsieur Redien l'expression de mes meilleures sentiments. Signé M Garran de Balzan.
Pour faciliter l’accord de ces appropriations de l’ancien presbytère à transformer en mairie, il est proposé ce qui suit :
1 – Supprimer les communications avec la cure
2- Ouvrir une porte d’entrée sur la voie publique
3 - Supprimer l’étage dans la partie la plus rapprochée du presbytère.
En 1888, le préfet demande la fermeture de l’école congrégationiste de Saivres. Le Conseil plaide pour son maintien, car les religieuses sont propriétaires avec des rentes attachées à l’établissement et l’école compte 75 élèves. La municipalité a le souci de laisser les habitants libres de leur choix.
En 1890, le cimetière communal étant devenu trop exigu, la municipalité en envisage l’agrandissement par l’adjonction d’un terrain le bordant, cadastré sous le n°566 (ancien cadastre)et appartenant au presbytère. Le Conseil de Fabrique (1) refuse de le céder. Après maints pourparlers, il en accepterait l’échange contre le bas du cimetière qui est l’emplacement réservé aux protestants et séparé du haut, catholique, par un mur en ruine. Le Conseil Municipal refuse car: " ce serait mécontenter bien des familles et agiter la question religieuse que d’abandonner ce terrain pour que le cheval de monsieur le curé vînt pacager sur les morts. "
En novembre 1890, le Conseil de Fabrique revendique les produits du cimetière et qu’une porte de communication existe entre le jardin du presbytère et le cimetière. La commune est, par la loi du 5 avril 1884, propriétaire du cimetière et de ses produits. Elle refuse toute indemnité et juge que la porte de communication n’a plus lieu d’être.
Dans sa session du 22 mars 1891, le Conseil, demande, à l’unanimité moins une voix, que le produit des arbres que monsieur le curé a vendu à un particulier sans autorisation, soit versé dans la caisse communale.
En 1895, le Conseil de Fabrique, refusant toujours le projet d’extension du cimetière, la subvention allouée par la commune est supprimée. Enfin, un arrêté du préfet autorise la commune à distraire les dépendances du presbytère en vue de l’agrandissement du cimetière reconnu depuis longtemps nécessaire. La subvention est rétablie avec une augmentation de 70 francs.
La loi de 1905, décide la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Du fait, la commune devient propriétaire des édifices et des biens de l’église si aucune association cultuelle n’existe. C’est le cas à Saivres, et les biens peuvent être donnés à bail au desservant. Après visite du presbytère et délibération, le montant du loyer sera de 150 francs. Il sera de 185 francs en 1914.
Monsieur Gourdon curé de Saivres est mobilisé le 2 août 1916, il doit deux années de locations à la commune.
En 1920, un bail de trois ans est consenti au curé avec une augmentation du loyer ce qui provoqua de très bruyantes protestations. Au cours d’une réunion, le maire donne lecture des différentes lettres échangées avec le curé. Il décide de répondre par voie d’affiche aux inexactitudes répandues intentionnellement et déclare : "  ne pas tenir compte de l’affiche, grossière, anonyme, apposée et mépriser les rédacteurs et inspirateurs . "
Le conseil décide d’utiliser une servitude du presbytère, contiguë à la mairie, sauf la partie servant d’écurie, pour y déposer le bois de feu.
Une pétition des habitants protestataires, contre le montant de la location, est lancée.
Le conseil municipal décide, en 1922, de porter le loyer du presbytère à 300 francs. Refus de l’autorité ecclésiastique.
Monsieur Gadreau de la Coutancière propose à parfaire le prix de l’ancien bail soit la différence entre 185 et 300 francs. Le conseil décide de louer à monsieur Gadreau qui peut sous-louer, mais uniquement à un desservant. La solution est refusée par l’évêché.
Une autre offre anonyme est faite, mais refusée par le curé.
Monsieur le Maire propose au conseil, un référendum. Refusé par le vote et le préfet.
Nouveau vote du conseil, pour le maintien du loyer plus les impôts.
Résultat: Oui 6 voix - Non 4 voix.
Monsieur Durivault des Courolles s’offre à verser, sous forme de don, la différence de loyer soit: 115 francs pour le loyer et 57 francs pour l’impôt pendant trois ans.
La solution est adoptée.
La municipalité souligne qu’elle a toujours agit sans esprit de haine contre personne et s’est toujours efforcée de trouver une solution. Elle accuse l’évêché de tous les échecs.
En décembre 1923, le curé de Saivres dans une lettre adressée au maire, demande l’autorisation d’ériger une croix sur l’emplacement de l’ancien calvaire. Réponse du conseil:  " Le Conseil Municipal de Saivres, considérant que l’érection sur la voie publique, d’un emblème religieux, ne pourrait ne donner satisfaction qu’a une partie de la population, l’autre partie pouvant être froissée, refuse, pour ces motifs, l’autorisation d’élever une croix sur l’emplacement de l’ancien calvaire, ainsi que sur tout autre terrain communal. "
Une loi de 1924, demande aux propriétaires de maintenir les loyers au prix de 1914. Une prorogation est accordée au curé. A l’échéance, l’autorité ecclésiastique, demande au curé de ne pas bénéficier d’une nouvelle prorogation à cause d’une majoration de 85 pour cent du loyer. Conséquemment, le maire le somme, par voix d’huissier, de quitter le logement sans quoi il est censé accepter la nouvelle prorogation et les charges. Sous la pression de ses chefs, le curé refuse. Dans un souci d’apaisement et de tolérance, le desservant est laissé en possession de l’immeuble sans engager d ’action et l’échéance de la prorogation est fixée au premier avril 1926. Entre temps, l’idée de transférer la mairie dans le presbytère, avait effleuré les membres du conseil.
Au cours d’une réunion du conseil municipal, le maire lit une lettre du curé reproduisant les instructions de ses chefs: " ...comme je vous l’avais dit, déjà plusieurs fois, il nous est impossible d’accepter une augmentation des loyers des presbytères et vous demandons de rester dans le vôtre jusqu’à ce que l'on vous en expulse... " Devant l’intransigeance de l’autorité ecclésiastique qui refuse toute augmentation de loyer, le conseil décide de ne plus louer le presbytère.
Monsieur Vandier maire, appelle le locataire en conciliation, mais celui-ci ne se déplace pas et déclare, par lettre, toute conciliation impossible. L’affaire sera portée devant la justice le 20 août 1926. Ayant des difficultés pour trouver un défenseur à cette époque de l’année, le curé demande un report qui est fixé au 29 octobre.
Suite au jugement, le curé est condamné à quitter le logement avant le premier janvier 1927.
Le 1 janvier 1927, le curé est toujours au presbytère et, suivant les consignes, attend l’expulsion.
Après un temps de patience, l’expulsion aura lieu le 12 avril 1927. Mais à l’arrivée de l’huissier, les cloches furent mises en branle pour rassembler les manifestants. En même temps, le locataire prétextait une maladie de sa mère âgée de 80 ans qu’il déclarait intransportable. Le maire, dans un souci d’humanité et peut être influencé. par la présence des manifestants, demanda se surseoir à l’expulsion. Elle eut lieu le 24 mai suivant, au dire du maire, sans manifestation particulière.
Le 2 juin 1927, l’autorité ecclésiastique, décide de retirer la cure de Saivres. Les services religieux se feront dans les communes limitrophes.
(1) Conseil de Fabrique : Association chargée de gérer les biens de l’église.
Dans un souci du respect du transport des morts, la municipalité décide, en 1925, l’acquisition d’un corbillard. Ce travail est confié à Monsieur Bouet, carrossier à St.Maixent, pour la somme de 5000 francs.
Monsieur Amédée Delaumone accepte les fonctions de conducteur.
Le transport est gratuit, y compris pour les déplacements dans une commune voisine pour la cérémonie religieuse des catholiques.
Au mois de juin 1927, après avoir visité les bâtiments et les dépendances, le Conseil envisage la possibilité d’installer la mairie dans le logement qu’occupait le curé. La commune estime avoir à sa disposition un très beau bâtiment pouvant être transformé en mairie et de plus des servitudes pouvant abriter le corbillard.
Un devis de réparations très détaillé s’élève à la somme de 8500 francs.
Le noyer de la cour de la future mairie sera abattu en raison des dégradations qu’il cause aux bâtiments. Il fut vendu à monsieur Guy, marchand de bois à St.Maixent, pour la somme de 3313,65 francs. Les noix à monsieur Léopold Veillon du bourg, pour 40 francs.
Le 28 août 1928, le maire communique au Conseil, les offres d’achat de l’ancienne mairie et du pré de l’ancien presbytère. Monsieur Louis Souchard en offre 8770 francs. La demande de location de l’appartement de l’ancien presbytère émane de monsieur Sauquet, cantonnier à la Cour d’Augé, pour un loyer de 550 francs.
En 1928, le curé Gourdon, reste redevable à la commune de la somme de 58 francs, montant de son loyer du premier février au 24 mai 1927, date de son expulsion. Il est mis en demeure de s’en acquitter auprès du Receveur Municipal. Aucune réponse n’a été faite. Devant cette carence de l’ancien locataire, aucune poursuite ne sera engagée, et laisse au " mauvais payeur ", toute responsabilité morale d’un pareil manquement à la plus simple des honnêtetés.
Monsieur Durivault, représentant l’ancien locataire, le 21 juin 1928, s’élève contre le qualificatif de " mauvais payeur. " Monsieur le Maire répondit que ce qualificatif peu flatteur, serait certainement rapporté, si la somme due était versée. Monsieur Durivault déclare vouloir engager une action en demande d’indemnité, parce que l’expulsion de l’abbé Gourdon avait eu lieu la veille d’une récolte.
Monsieur le Maire de Saivres et monsieur Durivault sont convoqués par le Juge de Paix. Aux prétentions de monsieur Durivault, Monsieur le Maire répondit que le locataire était en demeure de quitter le logement, dès octobre 1926, et que par conséquent, l’expulsion et les conséquences, lui sont uniquement imputables.
Monsieur le Juge de Paix, décide monsieur Durivault à abandonner ses projets de demande d’indemnité et à verser le reliquat de loyer au receveur municipal. Le versement ayant eu lieu, le Conseil décide, devant cet inattendu règlement, de retirer l’expression " de mauvais payeur " au créancier défaillant d’un moment, et déclare considérer celui-ci comme " bon payeur. "
Le 11 juin 1929, monsieur Durivault demande qu’une part des crédits alloués à la commune pour l’électrification, soit affectés à l’éclairage de l’église. Le Conseil refuse, considérant que ce serait une subvention indirecte au culte, ce qui est interdit par la loi.

 

Manifestation des opposants à l'expulsion du curé devant le presbytère

(appelée" la guerre des oeufs")

 

Le plan du bourg

Le Conseil Municipal décide, par la réunion du 9 mai 1988, de rénover et aménager le plan du bourg.
L’inauguration a eu lieu le 20 mai 1989 par Mme. Ségolène Royal député et M.Camille Lemberton conseiller général en présence du Conseil Municipal et de la population.
Cette place a été baptisée " Place du Bicentenaire ". La plantation d’un " Arbre de la Liberté" eut également lieu ( pin parasol ) en remplacement du vieil ormeau abattu en 1964.
Cet Arbre de la Liberté, possède dans ses racines une bouteille cachetée avec la date, noms et signatures de toutes les personnes présentes

 

 

L’Arbre de la Liberté
Sur l’emplacement de l’ancien cimetière qui, comme dans beaucoup de paroisse, entourait l’église, fut planté en 1793 un ormeau symbolisant la liberté. Sur ordre de la municipalité, il fut planté par Jean Miguault. Cet arbre vécut jusqu’en novembre 1964. A la suite d’une tempête, la municipalité dut le faire abattre par sécurité.
En 171 années, complètement démembré par les nombreux coups d’orage et les tempêtes, il était devenu très dangereux. Ses racines dépassaient le sol de plus d’un mètre, et combien d’enfants ont pu y jouer, et d’anciens se reposer sur ces sièges improvisés à l’ombre de son feuillage.
En décembre 1905, un habitant du bourg, monsieur Métivier, avait demandé la chute de l’orme devant sa maison qui causait des dégâts à ses bâtiments. Au cours d’une délibération du Conseil, et à une forte majorité, le maintien fut décidé.

 

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La place de l'église en 1960 et en 2000 avec les Arbres de la Liberté. (A gauche :Le vieil ormeau, devenu dangereux, à droite le pin parasol).Près de l'église, on remarque un tas de gravats marquant l'emplacement de la croix juste démolie

 

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